Une opportunité historique
Les mouvements affiliés au Mouvement Mondial des Travailleurs Chrétiens (MMTC) expriment leur solidarité avec les travailleurs et travailleuses aux quatre coins du monde et partagent avec eux leurs inquiétudes et préoccupations face à une situation de chômage et de pauvreté accentuée par la crise économique mondiale. L’Observatoire de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur la crise mondiale de l’emploi souligne que “ce qui a commencé comme une crise des marchés financiers s’est vite transformé en une crise mondiale de l’emploi qui engendre privations et pauvreté dans la vie de nombreux travailleurs et travailleuses, familles et communautés ”.
Nous ne devons pas oublier qu’avant cette crise, alors que la croissance mondiale était élevée, une grande partie de la population connaissait déjà des problèmes d’accès à l’alimentation, à la santé, aux biens publics, vivait dans la pauvreté extrême ou de l’économie informelle, et a vu s’accentuer les inégalités économiques et les déséquilibres sociaux. Cette situation s’est aggravée avec la crise: les entreprises ont cessé d’engager du personnel et nombre d’entre elles ont dû et doivent licencier un grand nombre de travailleurs. Cette situation engendre souffrance, appauvrissement, perte de confiance en soi et diminution de « l’employabilité », en effet, plus une personne demeure sans emploi et plus il lui sera difficile d’en retrouver un. Les enfants des familles les plus pauvres et vulnérables sont parmi les plus touchés par cette crise. Selon l’OIT, l’augmentation du chômage et de la pauvreté met en danger l’éducation, la santé et le bien-être des enfants. Cette situation pourrait mettre à mal, voire anéantir, les acquis récents en matière de réduction du travail des enfants dans le monde et d’accès à l’éducation.
La crise économique a également fait augmenter le chômage des travailleuses, comme le souligne l’OIT dans son rapport annuel Tendances mondiales de l’emploi des femmes. Nous observons aussi une augmentation des immigrants qui retournent dans leur pays d’origine et une réduction des flux migratoires vers les pays d’accueil. Les jeunes sont également parmi les groupes les plus touchés par la crise. Des jeunes dont le plus grand souhait est de s’assurer un avenir, de soutenir leur famille, leur communauté et de contribuer à la société, voient leurs projets tomber à l’eau par manque d’emploi. Le grand défi pour la société et tous les pays du monde est de permettre à la jeunesse d’accéder au travail stable, productif et décent.
Face à une telle situation, de nombreuses voix s’élèvent pour décrier la nature insoutenable de cette mondialisation. L’année dernière, lors de son appel international pour la réalisation d’un Pacte Mondial pour l’emploi, l’OIT a demandé que soient jetées les bases d’une économie mondiale juste et durable, affirmant qu’il est “ “vital de promouvoir le respect et l’utilisation des mécanismes du dialogue social, tel que la négociation collective ”. L’OIT souligne que “le dialogue social est un mécanisme d’une valeur inestimable pour la mise en œuvre de politiques adaptées aux priorités nationales. Il s’agit également d’une base solide pour l’adhésion des employeurs et des travailleurs aux politiques gouvernementales visant à surmonter la crise et à permettre des solutions durables ”.
En tant que Chrétiens, dans un tel contexte, nous nous devons de proposer les enseignements inestimables de notre doctrine sociale. Rerum Novarum, premier document de la Doctrine Sociale de l’Eglise, se réfère à la question ouvrière en posant un critère fondamental selon lequel “ Il n'est permis à personne de violer impunément cette dignité de l'homme que Dieu lui-même traite avec un grand respect ”. Il défend entre autres le droit au travail et à un salaire juste, le droit au repos, le droit d’association et la protection des femmes et des enfants. Regardons cette crise comme une occasion de prendre conscience, tant du besoin de changer la société en profondeur que de la manière dont est organisée l’économie. Des changements sont en effet nécessaires en matière d’économie financière et spéculative, afin de mettre les richesses et les ressources au service des personnes, mais également dans l’application pratique des droits du travail et dans l’avancée vers le travail décent car “ l’homme, la personne, dans son intégrité, est le premier capital à sauvegarder et à valoriser ” ( Caritas_in_veritate_francais (523.58 kB), 25).
Ce Premier Mai nous ouvre l’horizon de la solidarité avec nos collègues de travail, de la justice et de la participation à la construction au niveau mondial d’un autre modèle fondé sur le travail décent. Nous devons aller vers une économie se souciant des personnes et de la vie sociale, proposant une juste distribution des richesses, produisant les biens nécessaires de manière décente, respectueuse de la dignité des travailleurs et des travailleuses et de l’environnement. Il s’agit d’une opportunité historique d’améliorer le futur de notre humanité.
Mouvement Mondial des Travailleurs Chrétiens (MMTC)