Pourquoi un Revenu Universel de Base ?
La première chose que nous avons constaté avec une partie des délégués venus des divers continents c’est la réalité de la souffrance de beaucoup de familles à travers le monde qui ne disposent pas du minimum requis pour pouvoir vivre.
Il se produit des situations très graves de pauvreté et d’atteinte aux droits fondamentaux dans toutes les parties du monde. Des millions de familles n’ont pas la possibilité d’avoir un travail digne et survivent par l’économie informelle avec son lot d’exploitation et d’humiliation. Pour autant ils n’ont pas la possibilité de bénéficier des biens et des droits qui s’obtiennent, dans d’autres régions du monde, à travers un emploi : le salaire, la protection sociale, les soins. Ces personnes vivent dans une crise permanente.
Nous avons aussi constaté la situation de millions de familles qui, bien qu’ayant un travail, tombent dans un processus d’appauvrissement du fait de la précarité de leur emploi ou de ceux auxquels ils pourraient accéder. Cela a pour conséquence qu’ils perdent leurs droits sociaux de base en particulier le logement, l’accès aux soins ou la protection sociale. La crise financière mondiale a fait que cette situation s’est aggravée dans divers parties du monde.
L'OIT souligne la situation provoquée par cette crise mondiale et les difficultés pour générer des centaines de milliers de postes dans les prochaines années si les politiques économiques ne changent pas. Dans ce contexte l'emploi, qui dans beaucoup de régions du monde sert de mécanisme d'insertion et d'intégration sociale, ne remplit plus ce rôle aujourd’hui. Le capitalisme néolibéral a imposé la précarisation des emplois comme principale sortie de la prétendue situation de crise mondiale. L'équilibre entre le capital et le travail s'est brisé et ceci sous-tend la perte de la protection des droits du travail qui accompagnaient auparavant chaque travailleur.
Construire une société plus juste, fraternelle et durable, thème de notre rencontre, requiers des mécanismes qui concrétisent de manière pratique la possibilité que toutes les personnes puissent vivre avec dignité les différents aspects les plus fondamentaux de leur vie. Par notre identité chrétienne nous croyons nécessaire que la société reconnaisse à chaque personne sa dignité et la nécessite qu'il a de se construire dans toutes ses dimensions.
L'idéal du droit au travail porté par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, s’est perdu car l'emploi est perçut uniquement comme une valeur morale qui nécessite une protection alors qu'il était pensé comme le droit à la reconnaissance et à l'insertion social, le droit de toute personne à avoir une place et une occupation particulière au sein d'un groupe social. Aujourd'hui le travail n'accomplit pas cette fonction. C’est pourquoi nous avons à chercher de nouvelles manières de garantir et rendre réel le droit à l'insertion et à la reconnaissance sociale, le droit au travail.
Face à la croissance du chômage et l'impossibilité d'offrir un travail à une grande partie de la population, les besoins humain de base ne peuvent être couverts par les politiques économiques actuelles qui se fondent sur la création d'emploi. Pour cela un débat politique où s'identifieraient de nouveaux moyens permettant aux personnes des couvrir leurs besoins les plus élémentaires est urgent et nécessaire. Quand les mécanismes de protection sociale de tant de pays, au niveau mondial, sont en échecs ou lorsque dans les pays du « Nord » les politiques d'austérité font qu'il y a un authentique appauvrissement de la vie des personnes alors se précise l'idée d'un revenu de base permettant le droit à la vie.
Qu'est-ce que le Revenu Minimum Universel?
Dans ce contexte un Revenu Minimum Universel a du sens. Selon le réseau international pour le Revenu Minimum Universel, BIEN (Basic Income Earth Network), la nouveauté essentielle est que, à la différence de beaucoup d'aides existantes dans les systèmes de bien-être le Revenu Minimum Universel ne se trouve conditionné par aucune nécessité de justifié, de la part du bénéficiaire, d'une situation de nécessité ou de manque. Il est minimum parce qu'il s'agit d'un revenu à partir duquel peuvent s'additionner d'autres types de revenus. De plus il a un caractère totalement universel et est à destination de tous car inconditionnel par le simple fait d'être citoyen. Ce revenu servira à octroyer à tous les membres d'une communauté politique une première reconnaissance, comme citoyens qu'ils sont de cette société, et ce sera une manière de valoriser et reconnaître les activités qui sont de l’ordre travail sans être un emploi.
Sa vocation est de prévenir la pauvreté et l'exclusion de millions de personnes. Il est à destination de chaque personne, non pour le foyer ou la famille. Il est la matérialisation du droit que possède toute personne à percevoir, pour partie de l'État, une somme périodique d'argent couvrant ces besoins vitaux sans que pour cela il doive une compensation et indépendamment du lieu où il vit, de son origine, de son sexe, du fait qu'il travail ou non. Ainsi le Revenu Minimum Universel s'inscrit au cœur des mécanismes de distribution du revenu conduisant à dépasser les inégalités sociales. L'argent public serait ainsi entre les mains des citoyens sous la forme d'un revenu minimum, ce qui sera plus efficace que le sauvetage des entreprises financières.
La viabilité de cette proposition de Revenu Minimum qui fait la synthèse d’une manière de voir la société et la politique est questionnée dans beaucoup de secteurs politiques et économiques. En réalité elle n'est rien de plus qu'une forme de redistribution de la richesse. Son financement se ferait à travers la redistribution du capital et une augmentation des charges fiscales, non sur le salaire des travailleurs mais sur le capital et les transactions financières. A travers le monde, des organismes comme l'OIT et l'ONU ont déjà inscrit le Revenu Minimum Universel à l'agenda politique. En Europe une proposition au Parlement Européen a déjà été faite, une initiative législative populaire, par laquelle est demandé un cadre légal pour son application dans les états membres.
Comme travailleurs chrétiens, militants du MMTC, hommes et femmes, nous avons la mission par notre engagement individuel et collectif, d’apporter des propositions concrètes qui contribuent à résoudre le problème de l'appauvrissement de tant de familles de travailleurs. Nous avons à appuyer ces réformes politiques, économiques et législatives nécessaires pour que l'économie se soumette à l'impératif du bien commun, moyennant son orientation vers les besoins des personnes, la création d'emplois dignes et la protection des droits sociaux individuels. Le Revenu Minimum Universel est un instrument qui peut aider des millions de sans-emplois, de travailleurs précaires, de retraités, … à sortir de cette situation indigne. Pour cela il est important de le mettre à l'agenda politique de la communauté internationale et d’ouvrir, au sein de la population mondiale, un débat approfondit sur cette initiative et de nous joindre à tous les réseaux et toutes les actions qui vont dans ce sens. Comme travailleurs chrétiens nous voulons manifester notre volonté de contribuer à l'établissement d'un principe d'organisation social permettant à chaque famille, chaque personne de vivre dignement, avec cette dignité que Dieu a voulu donner à chacun de ses fils et chacune de ses filles.
Charo Castelló. Co-présidente du MMTC. 18 septembre de 2013.
Site internet information: http://basicincome2013.eu/ubi/fr/